mardi 29 décembre 2009

Kitsch


Dans L'insoutenable légèreté de l'être, Milan Kundera parle du kitsch comme de "la négation absolue de la merde ; au sens littéral comme au sens figuré, le kitsch exclut de son champ de vision tout ce que l'existence humaine a d'essentiellement inacceptable".
Le kitsch sert donc à voiler tout ce qu'on préfèrerait ne pas voir, en produisant une forme acceptable sans condition, absolument consensuelle.

Ce surajout de perfection absolue, Milan Kundera le décrit aussi historiquement et le place au fondement de certains mythes :
"Derrière toutes les croyances européennes, qu'elles soient religieuses ou politiques, il y a le premier chapitre de la Genèse, d'où il découle que le monde a été créé comme il fallait qu'il le fût, que l'être est bon et que c'est donc une bonne chose de procréer. Appelons cette croyance fondamentale l'accord catégorique avec l'être. Il s'ensuit que l'accord catégorique avec l'être a pour idéal esthétique un monde où la merde est niée et où chacun se comporte comme si elle n'existait pas. Cet idéal esthétique s'appelle le kitsch".
Dans l'art, il est sans doute né d'une rencontre : celle entre l'envie de posséder l'art chez soi et la possibilité de le reproduire à bas prix. Bien présent, il n'est pourtant ni un genre, ni une tendance affirmée de l'art... jusqu'à certains artistes marqués par le pop art. Tout semble avoir changé depuis que l'art ne dicte plus ses lois à la société de consommation ; au contraire, il s'inspire d'elle, des couleurs et du matraquage de la pub. Les codes visuels du kitsch acquièrent leurs lettres de noblesse dès lors qu'une boîte de soupe ou une banane jaune fluo obtiennent leur ticket d'entrée au musée.
Aujourd'hui, beaucoup d'artistes s'inspirent de cette évolution : allez voir le caniche violet brillant de Jeff Koons, ou, mieux encore, les photos du duo Pierre&Gilles. Costumes, paillettes, fond étoilé, fleurs en plastique, tout y est.
Pour Milan Kundera, le régime communiste (où se déroule le roman et que l'auteur a connu) se rattache à cet idéal autant qu'il le peut, il s'appuie sur cette utopie esthétique pour faire croire à sa perfection, à sa viabililté. Sans doute est-ce alors politiquement que Kundera voit le kitsch comme "la station de correspondance entre l'être et l'oubli".

1 commentaire:

  1. Très intéressante cette réhabilitation du kitsch ! Merci pour l'éclairage, gentille Margot.
    En moins sérieux, il y a aussi un éclairage amusant des "pitreries" de Pierre et Gilles et autres manifestations d'art kitschissime dans le film de J-M Ribes "Musée haut Musée bas" qui me fait mourir de rire chaque fois que je le visionne (il est repassé sur Canal il y a peu).
    Des bizz de la femme caramel

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